Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Modernisme dans l'Art

Débutant à la fin de l’ère victorienne (fin du XIXe siècle) et culminant après la Seconde Guerre mondiale, le modernisme est le mouvement philosophique, culturel et artistique le plus influent du XXe siècle en Occident.

Définition

Soucieux de rejeter les traditions et d’adopter des modes de production innovants et progressifs, les artistes ont expérimenté de nombreuses techniques et recouru à une succession de matériaux avant-gardistes. Suivant les principaux courants sociaux et politiques du XXe siècle, les artistes contemporains de cette période ont opéré un net changement par rapport aux modes de création adoptés exclusivement jusqu’alors en se rapprochant du peuple et de leur réalité.

Les artistes sont devenus les messagers d'une création anti-bourgeoise, cherchant à renverser les codes esthétiques promus depuis toujours par les puissants.

Depuis le réalisme de Courbet, les pratiques des artistes modernes ont évoluées graduellement de la recherche d’une transmission émotionnelle vers une vision métaphysique et abstraite. Au cours de cette période historique, même si plusieurs styles artistiques se sont successivement opposés, les artistes ont généré un nouveau regard sur le monde en promouvant les innovations technologiques, les processus industriels et le savoir-faire artisanal au sein des beaux-arts.

La peinture et les peintres ont énormément influencé, voire mené, le modernisme dans l'art. Pour mieux comprendre l’évolution du geste artistique et les changements sociaux survenus de la fin du XIXe siècle aux années 1960, nous passerons en revue les principaux styles du modernisme dans l’art.

Art Moderne

L’art moderne prend source dans le réalisme de la fin du XIXe siècle, mouvement artistique initié par Courbet en France et adopté par la suite par des artistes tels que Manet, Millet, Leibl, Meunier et Fildes en Europe. Le catalyseur de cette tendance reposait dans le rejet des évocations mythologiques et des représentations historiques dans l'art pour se concentrer exclusivement sur des sujets de la vie quotidienne et du monde réel. Dans un contexte qui voit l’émergence de la photographie et la montée du socialisme et du positivisme, le réalisme en peinture mais aussi en littérature (Zola, Balzac, Flaubert) ont contribué à brouiller les catégories et les hiérarchies au sein des arts.

Forts de cette volonté de se rapprocher du monde tel qu’il est et de rejeter les styles établis, des artistes tels que Monet, Renoir, Pissarot et Sisley ont été les premiers à peindre dehors pour mêler peinture et nature, capter la lumière et immortaliser l’instant sur la toile. Leurs techniques artistiques encourageant une patte vive et des coups de pinceaux brutes ; pratique considérée comme abstraite pour l’époque. Souhaitant capter le moment, ils ont gardé le nom d' “impressionniste” depuis le milieu des années 1870 au milieu des années 1880 et génèrent le premier changement dans les débuts de l’histoire de l’art moderne.

Post-impressionisme

Moins intéressés par ce qu’ils voient et davantage par ce qu'ils ressentent, les post-impressionnistes ont des points communs dans leur démarche mais ne se revendiquent pas en tant que groupe. Dans les années 1890 que les critiques d’art les associent en tant que mouvement jugeant leurs techniques expérimentales semblables ; des couleurs vives pour témoigner d'émotions fortes et des sujets trépassant les scènes réalistes et naturalistes pour donner à l’art des significations plus vastes et complexes. Par exemple, la Nuit étoilée de Van Gogh présente une nuée de tourbillons étincelants, plutôt surprenant pour une scène de nuit, ou encore le «Christ jaune» de Gauguin présentant des éléments anachroniques et des attributs folkloriques dans une scène supposée religieuse qu’il emprunte au symbolisme. Finalement, la transformation des courbes naturelles de la Montagne Sainte Victoire en aplats de couleurs presque rectangulaire étonnent dans l’oeuvre de Cézanne et ouvrent la voie au cubisme.

Fauvisme

S'appuyant sur les méthodes des post-impressionnistes et inspirés par la théorie de Gustave Moreau relatant le pouvoir expressif de la couleur pure, Matisse et Derain ont initié au début des années 1900 un nouveau courant en peinture: le fauvisme. Rejoint par Vlaminck, Camouin, Van Dongen et Puy, le groupe obtient son blason lors de sa première exposition au Salon d’automne (1905). Le critique d’art Louis Vauxcelles les surnomme alors «fauves» pour décrire les couleurs ardentes et dénuées de réalisme choisies par les artistes. Avec un intérêt particulier pour les diverses théories des couleurs développées au 19ème siècle et une appétence pour les formes simples, le fauvisme se présentait comme une innovation et un tremplin pour le développement des mouvements artistiques ultérieurs.

Cubisme

À partir de 1907, le cubisme marque un tournant dans l'histoire de l'art. Mené par Braque et Picasso, le mouvement tire son nom des formes cubiques et des dimensions plates qu’ils choisissent de peindre. Influencé par les masques tribaux, Picasso affirme qu’au bout du compte, un visage n’est juste qu’une question d’yeux, de nez et de bouche pouvant être assemblée à la guise de chacun. En divisant leurs sujets en différents domaines, les artistes ont créé une infinité de possibilités pour représenter la réalité et leur pratique marque le point de départ des mouvements abstraits suivants.

Constructivisme

Par exemple, le suprématisme, un mouvement lancé en 1913 et exclusivement représenté par Malevitch, a poussé encore davantage l'utilisation de formes géométriques. Par exemple, le Carré noir de Malevitch (1915) marque un changement radical entre la peinture figurative et la peinture abstraite. Mouvement majeur en Russie à ce moment là, le Suprématisme était associé à la révolution de 1917. Cependant, la carrière de Malevitch fut très affectée par l’imposition Stalinienne du réalisme socialiste, ramenant la figuration et le contrôle politique au sein de la pratique artistique dans le bloc soviétique.

Inspirés par les perspectives quadratiques de Picasso et les abstractions géométriques de Malevitch, Vladimir Tatlin et Alexander Rodchenko ont formé le Constructivisme en 1915 promouvant dans leurs oeuvres le progrès technique et les avancées sociales par la mobilisation de matériaux industriels. Soucieux de se rapprocher du monde ouvrier, le constructivisme a célébré la technologie et le progrès et a fut largement adoptée par les artistes et architectes du Bauhaus tels que Kandisky et Moholy-Nagy. Le courant fut étouffé en Russie dans les années 1920 mais son succès à l’Ouest - en particulier dans le Bauhaus. Il a influencé de manière significative la sculpture, le design et l'architecture dans le monde entier

De Stijl 

En 1917, Piet Mondrian et Theo van Doesburg, également professeurs du Bauhaus, s'inspirent de cet art de «géométrification» et donnent à leurs peintures tricolores le nom de «De Stijl», le «style» en néerlandais. De Stijl a eu une grande influence sur l’art du fait de la place de Mondrian et de Van Doesburg au Bauhaus et de leur philosophie parfaitement alignée sur la vision «moderniste». De Stijl appartient à cette mouvance artistique ayant beaucoup influencé l’architecture et les designs de meubles suscitant toujours beaucoup d'enthousiasme dans notre époque contemporaine.

Dadaisme

À partir de 1914, les horreurs générées par la Première Guerre mondiale apportent un nouveau visage à l'art. Dans le but de rejeter toutes les visions promues par les artistes, artisans et littéraires depuis le début du siècle, Tristan Tzara, Hans Arp et Sophie Taeuber dirigent un groupe d'artistes européens au verbe caustique et à la pratique anarchique. En 1916, les «Dadas» nés à Zurich créent un art dénué de tout culte au progrès et rejètent le socialisme, la poésie, la beauté et tout raffinement intellectuel.

L'année suivante, les dadas développent leur concept aliéné en Europe et aux États-Unis à travers plusieurs créations littéraires et représentations de danse et de théâtre. Leur art est satirique et intrinsèquement absurde. En 1920, le mouvement est à bout de souffle en raison d’un procès contracté après le «Festival Parisien Dada». L’idée de justice et de procédures legislatives étant bigrement ridiculisée par les Dadas, le procès sème la discorde au sein du groupe et des futurs surréalistes (Breton, Picabia, Aragon…). En 1923, le mouvement s’arrête officiellement lors d’un spectacle donné au théâtre de Tristan Tzara.

Surréalisme

Nourris par les performances Dada et enraciné dans le naturalisme de De Nerval, le symbolisme de Mallarmé, le romantisme de Jean-Paul et enfin le cubisme de Picasso, les surréalistes tendent à représenter l’ineffable et les révélations de l’inconscient collectif. En 1924, Breton définit dans son manifeste, le surréalisme comme pur automatisme à travers lequel l’Art exprime le psychique sans aucun sens du contrôle, de la raison ou de la logique morale. Très lié au concept d’association libre de Freud, le surréalisme tend, à travers la peinture, le cinéma, la poésie et les performances, à mettre en évidence la présence inconsciente dans notre réalité.

Incarnés par les paysages oniriques de Salvador Dali, les collages de Breton, les photographies mystérieuses de Max Ernst et les peintures ironiques de Picabia, le surréalisme a influencé les artistes du monde entier et maintient un rôle essentiel dans l’art contemporain. Dans les années 1960, le mouvement perd de sa vigueur et si aucune date précise ne fixe son arrêt, beaucoup estime la fin du surréalisme à la mort d’André Breton en 1966.

Expressionisme abstrait 

En raison de l'instabilité politique des années 1930, plusieurs artistes européens de premier plan ont quitté l'Europe pour se rendre aux États-Unis. Dans les années 1940 émerge l’« expressionnisme abstrait », un groupe d’artistes réanimant les élans affectifs échafaudés précédemment par les post-impressionnistes dans l’art et la peinture. On retrouve dans les coups de pinceaux violents et les aplats de couleurs vives de Willem de Kooning, Jackson Pollock ou Mark Rothko une intensité émotionnelle, l'expression du soi et l'humeur de l’après-guerre. Franz Kline, Robert Motherwell ou Barnett Newmann, fortement influencés par les symboles archétypes et les procédés du surréalisme, expriment un inconscient collectif par des gestes spontanés et automatiques. Pour la première fois, New York devient le centre artistique du monde occidental, jusqu'alors monopolisé par Paris. Les traits impulsifs de Pollock, les formes déformées de De Kooning et les larges nuances de couleurs de Clyfford Still incarnent ce mouvement qui se termine approximativement dans les années 50.

Dans les années 60, rejetant l’excès dramatique des expressionnistes abstraits, un groupe d’artistes appelle à se focaliser sur le medium plutôt que la personne et la simplicité de la forme plutôt que les ajouts esthétiques des "beaux arts". Formé dans la philosophie du Bauhaus, le minimalisme tend à distinguer l’art du besoin de représenter la réalité: la forme de l’œuvre et le médium prime sur l'aspect et l'esthétisme. Ce raisonnement est parfaitement résumé par the «Black painting» de Franck Stella, réalisée avec une peinture murale très bon marché pour démontrer que " what you see is what you see" (ce que vous voyez est ce que vous voyez).

Contemporain

En mettant l’accent sur la rupture et l’innovation, l’art moderne jette les bases des pratiques contemporaines de l’art aujourd'hui. Par exemple, il existe plusieurs exemples dans lesquelles la technologie et l'art s'assemblent pour repousser les limites de la création et promouvoir une certaine forme de progrès. Le collectif français GAN par exemple qui bat un record chez Christie's en 2018 avec le portrait d'Edmond Bellamy réalisé par une intelligence artificielle, ou les œuvres présentées dans «Artists & Robots» au Grand Palais, consacrée à l'informatique et aux robots. On peut voir un avatar des cubes de Malevitch dans les formes géométriques animées affichées sur des écrans de Manfred Mohr ou les installations de Nils Udo, pionnier de l'art environnemental, qui utilisent des matériaux trouvés tels que le plastique, substance emblématique de notre industrie actuelle…

L'art contemporain est le fruit de tous ces mouvements. Il a été façonné par le temps, le contexte social et politique et la science, mais surtout par l’esprit audacieux des artistes.

September 15, 2019